Le 10 octobre 2022, le Secrétaire général de la Cour permanente d’arbitrage (« CPA ») a accepté une contestation intentée par le Venezuela contre la nomination de la personne nommée par le demandeur, le Dr Wolfgang Peter, dans le cadre d’un arbitrage entre investisseurs et États (affaire PCA n° 2022-03) instituée par le demandeur allemand, Lufthansa (« Décision de contestation »). La décision du défi
La décision de l’APC et la perspective de « l’observateur juste et informé »
Dans l’arbitrage, le Venezuela avait soulevé des préoccupations concernant l’indépendance et l’impartialité du Dr Peter et contesté sa nomination pour deux motifs [¶28 of the Challenge Decision]. Premièrement, que le Dr Peter pouvait être influencé par les opinions d’un collègue senior de son cabinet d’avocats, le professeur Tercier, qui avait agi en tant que président dans un litige impliquant « questions factuelles et juridiques similaires” (Air Canada c.Venezuela
Deuxièmement, selon le Venezuela, il ne pouvait être exclu que le Dr Peter et le professeur Tercier
« pourraient échanger des opinions, directement ou indirectement, sur les circonstances factuelles et juridiques des deux affaires.”
En acceptant la contestation du Venezuela, la CPA a estimé que, du point de vue d’un
« tiers raisonnable, équitable et informé, il existe un risque évident que le Dr Peter soit influencé par des facteurs autres que le fond de l’affaire”.
Il est arrivé à cette conclusion après avoir noté que la nomination du Dr Peter »apparaîtrait comme plus qu’une coïncidence» à un tiers raisonnable et informé et
« serait perçu comme étant motivé par l’influence que la décision du Pr Tercier… aurait sur le Dr Peter [who]… devrait potentiellement remettre en cause le jugement d’un proche collaborateur pour parvenir à un résultat différent sur un schéma factuel et juridique substantiellement similaire”.
Essentiellement, la CPA craignait que le Dr Peter n’aborde les questions en litige de manière impartiale, mais plutôt avec le désir de se conformer aux vues précédemment exprimées par son « proche collègue», le Pr Tercier dans un autre contentieux. Comme démontré ci-dessous, le bien-fondé de cette décision est douteux étant donné les principes presque universels sur les récusations des arbitres.
Test pour déterminer le biais
Le critère de contestation nécessite une constatation factuelle sur l’existence ou non de la probabilité de partialité. Cette décision est une décision objective qui doit être prise du point de vue d’un tiers juste, informé et raisonnable, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes. Ce test est sans doute uniforme dans toutes les règles de procédure, dans un nombre écrasant de juridictions, dont le Royaume-Uni, la France et la Suisse, et dans la jurisprudence en matière d’arbitrage d’investissement. Dans la décision de contestation, les parties et la PCA ont convenu de l’application de ce critère [¶35 of the Challenge Decision]. Pour garantir une décision objective, une analyse factuelle est obligatoire. Une décision acceptant une récusation doit identifier les faits qui suscitent des doutes légitimes quant à l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre du point de vue d’un tiers juste, informé et raisonnable. Ce n’était pas le cas dans la décision de contestation. Au contraire, les faits n’étayent pas la conclusion de la CPA.
Les faits ne soutiennent pas la décision de contestation
La décision de contestation conclut essentiellement que deux arbitres internationaux réputés seraient disposés à violer leurs devoirs d’arbitres en échangeant des informations confidentielles concernant deux arbitrages distincts. Cela malgré l’engagement réaffirmé du Dr Peter à son obligation de confidentialité et son devoir de trancher le différend. Les auteurs considèrent que, à moins que la CPA n’ait considéré les propos du Dr Peter comme crédibles, ce qui n’était pas le cas compte tenu de ses commentaires exprès contraires, une décision acceptant la récusation de sa nomination exigeait davantage. Comme l’a souligné la demanderesse, il n’y avait aucune preuve de l’implication du Dr Peter dans l’arbitrage du Prof. Tercier ou de la probabilité que le Prof. Tercier et/ou le Dr Peter violeraient leur obligation de confidentialité.
L’application du test suggère qu’il y a un trou de preuve béant dans la décision de contestation. Il est douteux qu’un tiers observateur juste et informé, au courant des pratiques établies des avocats et des arbitres, conclurait qu’un arbitre préjugerait des enjeux de l’arbitrage par déférence envers un confrère professionnel, d’autant plus que l’activité du cabinet n’est pas directement en cause dans l’arbitrage. La suggestion selon laquelle deux praticiens, et encore moins des praticiens expérimentés, ne peuvent pas être en désaccord avec respect ne devrait pas être encouragée. Contrairement à l’impression que cette décision crée, les avocats, les arbitres et les juges des tribunaux nationaux sont assez souvent en désaccord.
Il convient également de mentionner que la conclusion de la décision de contestation selon laquelle la nomination du Dr Peter n’était pas un « simple coïncidence» n’a aucune incidence sur son indépendance et son impartialité. Tout en exerçant leur droit de nommer des arbitres, les parties nomment les arbitres qui, selon elles, apprécieraient les nuances de leur différend. Cela fait partie intégrante de la pratique arbitrale et ne devrait pas, isolément, avoir d’effet sur le mandat d’un arbitre.
La décision de contestation étend à tort le conflit de la question aux opinions antérieures de tiers
La CPA a qualifié à juste titre la contestation de l’intimé de contestation liée à un problème malgré la tentative de l’intimé de la caractériser différemment [¶38 of the Challenge Decision]. Compte tenu de cette caractérisation, il convient de noter que toutes les décisions connues sur les conflits de questions ont pris en compte la partialité possible d’un arbitre sur la base de leurs propres opinions exprimées précédemment. La décision de contestation étend la portée des conflits de problèmes possibles en confirmant la contestation sur la base de l’avis préalable d’un tiers. Il s’agit d’une source évidente de préoccupation compte tenu des risques qui en résultent et qui ont été identifiés dans d’autres décisions similaires.
Compte tenu du risque de maintenir les contestations conflictuelles, la décision de contestation dans Électrifiable v. hongroisy [¶41]
Les membres incontestés du Suez/Vivendi c. République argentine [¶36]
« Pour conclure au manque d’impartialité d’un arbitre ou d’un juge, il faut des preuves bien plus solides que le fait que cet arbitre a participé à une décision unanime avec deux autres arbitres dans une affaire dans laquelle une partie à cette affaire est actuellement partie à une affaire dont cet arbitre est saisi . En décider autrement aurait de graves conséquences négatives pour tout système juridictionnel.”
Le seuil élevé pour les cas de conflit de problèmes non atteint
Une autre conséquence de la caractérisation par la CPA de la contestation comme un conflit de questions est qu’elle révèle le mépris de la décision de contestation pour le seuil élevé requis pour les contestations de conflits de questions dans la littérature et la jurisprudence arbitrales existantes. Comme point de départ, les lignes directrices de l’IBA sur les conflits d’intérêts (point 4.1.1 de la liste verte)
Conclusion – Une présomption en faveur de l’indépendance et de l’impartialité d’un arbitre
L’arbitrage, sous quelque forme que ce soit, présente la promesse d’un règlement neutre, indépendant et impartial des différends qui ne devrait pas être contredit par des décisions comme celle-ci. À moins qu’il n’existe des circonstances suggérant clairement une probabilité de partialité, l’indépendance et l’impartialité d’un arbitre ne devraient pas être remises en question. En dépit de la nature objective du critère de partialité, de la soft law et de la jurisprudence existante qui accrédite cette position, les contestations de cette nature continuent d’abonder et des décisions comme celle-ci demeurent une possibilité. Ces décisions perpétuent davantage les préoccupations de ceux qui s’opposent fermement au maintien du régime de règlement des différends entre investisseurs et États.
Afin de réduire le risque de décisions futures similaires, les auteurs recommandent la reconnaissance d’une présomption probatoire en faveur de l’indépendance et de l’impartialité des arbitres. Cela verra nécessairement les arbitres jugés indépendants et impartiaux à moins que et jusqu’à ce que la partie qui conteste établisse des faits pour réfuter l’hypothèse avec des preuves concrètes du contraire. Les auteurs n’y voient pas l’articulation d’un nouveau principe, mais plutôt une reconceptualisation de la position existante. Le cadre actuel sur les récusations suppose déjà l’indépendance et l’impartialité d’un arbitre jusqu’à ce qu’une récusation soit faite. Lorsqu’une contestation est faite, une constatation de partialité ne peut être faite qu’après une évaluation objective fondée sur des circonstances factuelles. Ceci est analogue au fonctionnement d’une présomption. Pour les cas de conflits de questions en particulier, l’accent mis sur un seuil élevé dans la jurisprudence, comme une présomption, garantit qu’une évaluation du parti pris commence par l’indépendance et l’impartialité présumées de l’arbitre. Tout en reconnaissant qu’une présomption ne modifie pas le test, les auteurs espèrent qu’elle modifie son application pour garantir que des décisions similaires sont évitées.