Les procédures d’arbitrage international impliquent généralement des litiges transnationaux sensibles aux faits et techniquement complexes, et nécessitent généralement de grandes équipes juridiques, plusieurs experts et témoins factuels, ce qui fait monter en flèche les coûts. Dans ce scénario, une partie qui ne dispose pas des fonds nécessaires pourrait décider de ne pas poursuivre une réclamation légitime. Cet accès limité à la justice arbitrale est préoccupant d’un point de vue politique, en particulier dans les juridictions où la différence avec les coûts des procédures judiciaires est particulièrement notable.
C’est l’une des principales raisons pour lesquelles le phénomène du financement par des tiers (« TPF ») a progressivement pris une place centrale dans les débats sur l’arbitrage international. Le TPF typique est une forme de financement sans recours dans laquelle un bailleur de fonds s’engage à supporter les coûts d’une partie à un différend. Si la partie financée l’emporte, le bailleur de fonds réalise un profit généralement constitué d’un pourcentage de la récompense ou d’un multiple des fonds fournis, selon le plus élevé. Surtout, en cas de défaite, l’investissement du bailleur de fonds est perdu.
Bien qu’évidemment bénéfique pour le parti financé, qui a la chance de poursuivre adéquatement son réclamationl’implication de « anarchique« Le joueur (qui n’est pas partie mais a néanmoins un intérêt économique direct dans le différend) a soulevé de nombreuses préoccupations concernant les effets secondaires potentiels du TPF dans divers aspects d’un arbitrage. Cela a suscité une intense – et actuellement instable – débat sur la réglementation des TPF.
Un certain nombre d’institutions arbitraires ont intégré le TPF dans leurs règles institutionnelles (le 2022 CIRDI autre CIC 2021 les règles d’arbitrage sont parmi les exemples les plus récents). Malgré quelques différences (dont j’ai parlé dans un précédent poste), l’approche générale est une réglementation allégée consistant principalement en des obligations de divulgation concernant l’implication d’un bailleur de fonds dans l’arbitrage et l’identité du bailleur de fonds.
Le Parlement européen, en revanche, a proposé d’adopter un régime beaucoup plus strict dans l’Union européenne (l’« UE ») dans sa résolution du 13 septembre 2022 (la «résolution« ). La résolution – et la proposition de directive européenne qui y est annexée – envisagent entre autres pour:
- créer un système d’autorisation pour les bailleurs de fonds ayant l’intention d’opérer dans l’UE, y compris des exigences d’adéquation des fonds propres et la mise en place d’autorités de surveillance dédiées (articles 4 et 6 du projet de directive) ;
- introduire une obligation fiduciaire pour les bailleurs de fonds vis-à-vis leurs clients (article 7 du projet de directive);
- établir des exigences minimales obligatoires pour les accords de financement (article 12 du projet de directive);
- interdire d’influencer la gestion du litige (article 14, paragraphe 2, du projet de directive);
- plafonner les bénéfices du bailleur de fonds à 40 % de l’attribution (article 14, paragraphe 3, du projet de directive) ;
- interdire aux bailleurs de fonds de limiter contractuellement leur responsabilité concernant les coûts défavorables (article 14, paragraphe 5, du projet de directive); autre
- créer une obligation de divulguer entre autres un »copie complète et non expurgée» de la convention de financement à la demande de la juridiction ou de la partie adverse (article 16, paragraphe 1, du projet de directive).
Il appartient maintenant à la Commission européenne de soumettre le texte de la directive (dans sa version actuelle ou modifiée) au vote du Parlement européen et du Conseil de l’UE. Si la directive est finalement approuvée et entre en vigueur, les États membres de l’UE seront tenus d’aligner les systèmes juridiques respectifs sur les principes susmentionnés, créant ainsi un cadre réglementaire uniforme qui pourrait profondément affecter l’avenir des TPF en Europe.
La résolution présente sans aucun doute des aspects prometteurs. Mettre en place un cadre réglementaire structuré à un stade où TPF en Europe est, pour reprendre les termes de la résolution, « pratiquement inexistant« Peut permettre de bénéficier de l’expérience des juridictions où l’industrie TPF est plus mature (États-Unis, Royaume-Uni et Australie notamment) et éviter que les distorsions observées ailleurs ne se produisent dans l’UE. En particulier, l’imposition de clauses impératives à inclure dans l’accord de financement et la limitation du pouvoir contractuel du financeur visent à protéger le bénéficiaire contre les comportements prédateurs par lesquels les financeurs pourraient poursuivre leurs intérêts aux dépens de leurs clients, y compris le manque de transparence, le contrôle excessif sur la gestion de la réclamation et la résiliation arbitraire. La résolution vise également à protéger la partie non financée, en veillant à ce que le bailleur de fonds assume la responsabilité des attributions de frais défavorables au cas où la partie financée serait impécunieuse.
Cependant, certaines des dispositions proposées ne sont pas idéales et sont peut-être contre-productives.
D’abordaccorder à la partie non financée le droit de demander et d’obtenir une «complet et non expurgé« Une copie de l’accord de financement semble injustifiée car un tel contrat est susceptible de contenir des informations confidentielles et commercialement sensibles. Il conviendrait de suivre l’exemple de certaines institutions arbitrales, qui ont recherché un équilibre entre transparence et secret en identifiant explicitement des clauses spécifiques qui doivent être divulguées, telles que les obligations du bailleur de fonds de couvrir les coûts défavorables (c’est, par exemple, la cas de la Règles d’arbitrage en matière d’investissement de la BAC). Une autre approche viable est celle adoptée par le règlement d’arbitrage CIRDI 2022, qui accorde au tribunal – et non à la partie financée – le pouvoir d’ordonner la divulgation de « Informations Complémentaires» (pas nécessairement l’intégralité de l’accord non expurgé) concernant l’accord de financement.
Deuxième, le plafonnement des bénéfices du bailleur de fonds à 40 % de l’indemnité constitue une ingérence visible, et sans doute excessive, dans l’autonomie des parties et, plus précisément, dans l’évaluation des risques associés à une réclamation. En d’autres termes, la pierre angulaire de l’activité TPF est la capacité du bailleur de fonds à analyser les forces et les faiblesses d’une réclamation, à identifier la probabilité de victoire dans la mesure du possible et à absorber le risque de perte en insérant une telle réclamation dans un portefeuille. d’investissements diversifiés. Cette expertise particulière permet aux financeurs d’investir dans des créances relativement risquées et leur profit est ainsi proportionnel au niveau de risque qu’ils sont prêts à accepter. Le plafonnement de ces bénéfices peut par conséquent limiter l’éventail des cas dans lesquels les bailleurs de fonds peuvent investir.
Certains affirment que la capacité des bailleurs de fonds à « parier » sur des projets plus risqués (c’est à dire., plus faible) incite à des litiges frivoles. Sur cette base, le plafonnement du profit pourrait limiter cet effet, obligeant les bailleurs de fonds à se concentrer sur les cas solides. Je n’ai jamais aimé cet argument. Le seul moyen pour les financeurs de faire du profit est de faire aboutir les créances dans lesquelles ils investissent : il s’ensuit qu’ils n’ont aucune raison de soutenir des causes perdues, d’autant plus qu’en cas de perte ils ne récupèrent pas leur investissement.
Troisièmel’introduction d’un cadre réglementaire aussi rigide dans l’UE – où l’industrie TPF est encore à un stade embryonnaire – est susceptible de pousser les bailleurs de fonds à déplacer leurs investissements vers des juridictions moins réglementées, d’entraver la croissance de cette industrie dans l’UE et, en fin de compte, de empêcher ses effets bénéfiques sur l’accès à la justice.
À la lumière des considérations qui précèdent, s’il faut saluer l’initiative du Parlement européen, il semble nécessaire de réviser partiellement le texte de la proposition de directive, afin de créer un régime qui réponde aux critiques liées à l’industrie TPF et, à en même temps, lui permet de s’épanouir et de favoriser l’accès à la justice arbitrale dans l’UE.