L’année dernière a vu plusieurs victoires pour le Canada sur le front du RDIE, la conclusion d’un arbitrage de l’ALENA d’une décennie, et bien plus encore. Si 2022 est une indication, les lecteurs auront de nombreux autres développements à attendre en 2023.
Le Canada sort de 2022 majoritairement en tête de l’ISDS
Parmi les cas étudiés, le Canada semble être sorti vainqueur de 2022 sur le front de l’ISDS. Alors que certaines victoires étaient principalement pour des raisons juridictionnelles, d’autres avaient été décidées à la lumière de la conversation actuelle entourant le droit de l’État à réglementer, en particulier en ce qui concerne la transition vers des sources d’énergie plus vertes.
Dans l’instance administrée par le CIRDI Westmoreland Mining Holdings c. Canada
cas, un tribunal de la CNUDCI s’est déclaré incompétent parce que le demandeur américain n’était pas constitué en société au moment de la violation alléguée. En 2018, Westmoreland Coal Company («COE”) a allégué que le Canada avait enfreint l’ALENA par la décision de l’Alberta d’éliminer progressivement l’énergie au charbon d’ici 2030. Après que WCC a déposé son bilan, elle a retiré sa plainte. En 2019, le demandeur américain (Westmoreland Mining Holdings), détenu par les créanciers de WCC, a déposé une nouvelle demande, qui a été rejetée car le demandeur n’existait pas au moment de la violation alléguée.Dans Produits forestiers Résolu c. Canada, une majorité du tribunal a rejeté les revendications de l’ALENA sur le fond. Les États-Unis ont allégué que les mesures d’aide, prises par la Nouvelle-Écosse pour éviter la fermeture d’une papeterie locale, avaient eu une incidence sur les activités de Résolu au Québec. Le tribunal a conclu que plusieurs de ces mesures relevaient de l’exception des marchés publics prévue à l’article 1108(7) de l’ALENA, tandis que les autres n’étaient pas contraires à la non-discrimination ou à la norme minimale de traitement.
Dans Tennant Energy, LLC c. Canada
Dans un prix qui n’a pas encore été publié dans Lone Pine Resources c. Canada
ACEUM : la période de temporisation de l’ALENA pour les réclamations héritées se termine le 30 juin 2023
La période d’extinction de trois ans de l’ACEUM se termine le 30 juin 2023. S’ils se qualifient en tant qu’investisseurs en vertu de l’ALENA (jusqu’au 30 juin 2020), les demandeurs peuvent toujours présenter des demandes d’arbitrage en vertu de celui-ci. Cependant, pour les demandes d’expropriation, les investisseurs doivent avoir signifié à l’État hôte une notification d’intention d’arbitrage au moins six mois avant le 30 juin 2023. Pour les autres demandes, les investisseurs devront communiquer cette notification au moins 90 jours avant le 30 juin 2023. Au moins deux demandes d’extinction impliquant des investisseurs canadiens sont en cours, toutes deux concernant la fermeture du pipeline Keystone XL, à savoir TC Energy Corporation et TransCanada PipeLines Limited c. États-Unis
Pour rappel, le Canada s’est retiré du mécanisme du RDIE en vertu de l’ACEUM. Alors que les différends relatifs au RDIE entre le Mexique et le Canada pourraient toujours être portés en vertu du PTPGP, les différends impliquant le Canada en tant qu’État hôte ou des Canadiens en vertu de l’ACEUM devront être portés par l’État de l’investisseur. Le premier différend entre États dans le cadre de l’ACEUM a été résolu
Faits saillants des tribunaux canadiens : l’« au-delà » de l’ISDS
Les différends entre investisseurs et États survivent souvent devant les tribunaux nationaux sous la forme de procédures de reconnaissance ou d’annulation. Ce fut le cas dans deux affaires liées à l’ALENA : Bilcon of Delaware et al c. Gouvernement du Canada
Dans Nelson l’investisseur reprochait au tribunal : (i) d’avoir fondé la sentence sur une théorie de l’affaire non plaidée ni argumentée par aucune des parties, et (ii) d’avoir ignoré ou omis de prendre en compte l’expertise du requérant sur des questions qui constituaient le fondement de la sentence du tribunal (par. 2). Après avoir évalué si « la conduite du tribunal [was] « suffisamment grave pour offenser nos notions les plus élémentaires de moralité et de justice » et « qu’il ne peut être toléré par la loi de l’État d’exécution » », qui a été la norme de contrôle en vertu de l’article 34(2)(a)(ii) (par. 33), la Cour a rejeté la demande de l’investisseur.
De même, dans Clayton (dont il a déjà été question sur ce blog), l’investisseur a fait valoir que le tribunal avait refusé le droit de déposer deux rapports d’experts en réplique en réponse à ce qui aurait été une « division de l’affaire par le Canada ». L’ordonnance de procédure prévoyait deux séries de soumissions pour chaque partie ; la réponse et la duplique des parties ne pouvaient contenir que des éléments de preuve répondant à la dernière communication précédente de l’autre partie au différend. Lorsque le rapport d’expertise en réplique de l’intimé aurait répondu à la première soumission de l’investisseur, l’investisseur a déposé deux rapports d’expertise supplémentaires un mois avant l’audience, sans demander au préalable l’autorisation du tribunal. Considérant le préjudice qu’une soumission aussi tardive pourrait en résulter pour l’intimé et l’absence de circonstances exceptionnelles justifiant l’admission de ces rapports, le tribunal a refusé de les autoriser. Néanmoins, il a invité l’investisseur à demander la radiation des preuves qu’il jugeait inappropriées (ce qu’il n’avait pas). Les omissions de l’investisseur ne sont pas passées inaperçues auprès de la Cour (surtout à la lumière de l’aveu de son avocat que la preuve prétendument inappropriée avait été rayée du dossier, il n’y aurait pas eu de manquement à l’équité procédurale). Constatant que l’investisseur « a conçu le problème auquel était confronté le tribunal […] par leurs choix », que le « Tribunal a élaboré une solution qui, si les requérants en avaient profité, aurait pu remédier à la [alleged] injustice », et que l’investisseur « n’a pas profité de l’offre », la Cour a rejeté la demande d’annulation (par. 55-75). L’investisseur a également contesté en vain la sentence pour excès de compétence (34(2)(a)(iii)) et d’ordre public (34(2)(b)(ii)). Rejetant également ces arguments, la Cour a de nouveau confirmé Mexico c. Cargill, Inc.
Une procédure non liée à l’ALENA qui se déroule devant les tribunaux du Québec et qui mérite d’être mentionnée concerne l’affaire CC/Devas (Mauritius) Ltd. et al. administrée par la CPA. contre l’Inde
Le modèle APIE 2021 du Canada en action?
Depuis la publication de l’APIE modèle en 2021, le Canada n’a conclu aucun APIE en 2022, malgré quelques discussions et négociations exploratoires en cours, comme celles entre le Canada et Taïwan.
Que nous réserve 2023 ?
À l’approche de la fin de la période d’extinction, les réclamations héritées de l’ALENA pourraient augmenter au cours des prochains mois. Le Canada pourrait également se rapprocher de la conclusion d’autres traités, cette fois sur la base de son APIE modèle 2021. En 2023, une attention plus particulière sera accordée à l’ACEUM et à la réaction des investisseurs, en particulier son mécanisme de règlement des différends entre États, avec le choix du Canada de se retirer du RDIE.
* Les opinions exprimées dans sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions de Woods LLP ou de ses partenaires.
Cet article fait partie de la série 2022 in Review du (notre blog d’information) Blog. D’autres articles de la série peuvent être vus ici.