Analyse : « Les hôtels non liés par les obligations de retransmission par câble (RTLTV, C-716/20) » par Dariusz Adamski
Les obligations des hôtels et établissements assimilés concernant les émissions couvertes par des droits exclusifs attirent l’attention de la justice de l’UE depuis un certain temps maintenant. L’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115 impose aux États membres d’accorder aux organismes de radiodiffusion le droit exclusif d’autoriser ou d’empêcher la retransmission de leurs émissions par des moyens sans fil, ainsi que de le faire dans les lieux publics moyennant un droit d’entrée. La question initiale est de savoir si cela s’applique aux hôtels et établissements similaires. Cela vaut la peine d’être demandé, car les hôtels diffusent des œuvres au public dans des lieux accessibles moyennant le paiement d’un droit d’entrée.
Dans son société de gestion collective (C-641/15) de 2017, la Cour de justice a toutefois précisé que l’exigence de « paiement d’un droit d’entrée » ne s’applique que lorsque la communication (radiodiffusion) constitue un service payé séparément par le destinataire final (paragraphes 23 -26). Comme ce n’est pas ainsi que les hôtels facturent à leurs clients l’accès à la transmission disponible dans les chambres d’hôtel, le droit exclusif établi par l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115 ne les concerne pas.
Dans Télévision RTL le même sujet est revenu par la petite porte, même si le requérant – le principal radiodiffuseur européen germanophone – s’est efforcé de le présenter différemment. Dans un litige contre un hôtel portugais détenant Grupo Pestana et l’une de ses sociétés, elle a fait valoir qu’un autre acte de droit dérivé de l’UE, la directive 93/83, lie non seulement les opérateurs de réseaux câblés, mais également les hôtels diffusant des œuvres dans des chambres individuelles.
RTL a fait valoir que cette activité devait être qualifiée de «retransmission par câble», définie au sens large à l’article 1, paragraphe 3, de la directive 93/83 comme «la retransmission simultanée, non modifiée et intégrale par un câble ou un système hertzien pour la réception par le public d’une transmission initiale à partir autre État membre, par fil ou par voie hertzienne, y compris celle par satellite, de programmes de télévision ou de radio destinés à être captés par le public». Cela aurait des conséquences sur la portée des droits exclusifs car l’article 8, paragraphe 1, de la directive 93/83 prévoit qu’une «retransmission par câble» par un «câblo-opérateur» ne peut avoir lieu que sur autorisation expresse obtenue contractuellement soit des auteurs et des titulaires des droits voisins par l’intermédiaire de sociétés de gestion collective (article 9) ou directement auprès d’un organisme de radiodiffusion (article 10).
La définition donnée par l’article 1 er , paragraphe 3, de la directive 93/83 ne contient pas de condition similaire à l’expression « accessible au public contre paiement d’un droit d’entrée » utilisée à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115. Ainsi, si elle est interprétée littéralement, indépendamment de la directive 2006/115, elle devrait bien couvrir la transmission (communication) d’émissions par les hôtels à leurs clients. Le renvoi préjudiciel de la Cour suprême portugaise dans Télévision RTL se résume à la légitimité d’une telle interprétation.
RTL pourrait faire valoir que, premièrement, le législateur de l’UE aurait dû définir la «retransmission par câble» de manière plus étroite s’il avait voulu exclure des entreprises telles que les hôtels de son champ d’application. Deuxièmement, la directive 2006/115/CE vise à traiter certain droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, tel qu’il est prévu dans son titre. Cela peut suggérer que d’autres droits de ce type pourraient également découler d’autres actes juridiques.
Or, dans son arrêt préjudiciel, rendu le 8 septembre 2022, la cinquième chambre de la Cour de justice s’est opposée à une telle proposition.
Elle a déclaré que la demande de RTL vise en fait à assimiler le droit établi à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115 au droit exclusif de communication au public, établi par l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 (paragraphe 78) . En d’autres termes, le demandeur prétendait modifier les paramètres du droit fondé sur la directive 2006/115. Selon la Cour, cela était intenable parce que « la directive 93/83 n’impose pas aux États membres d’introduire un droit spécifique de retransmission par câble ni ne définit la portée d’un tel droit » (paragraphe 69). La directive 93/83 n’est pas une source indépendante de droits exclusifs. S’appuyant sur cette constatation et invoquant « les circonstances particulières entourant l’origine de la directive 93/83 » (paragraphe 77), la Cour de justice a conclu que les termes « câblo-opérateur » et « câblo-distributeur » ne devaient couvrir que les opérateurs de réseaux câblés traditionnels . Aucune autre catégorie ne peut être tenue à l’obligation d’obtenir une autorisation de retransmission.
La Cour était manifestement consciente qu’une approche différente rendrait sa position antérieure société de gestion collective diffusant vide de sens, car cela permettrait aux radiodiffuseurs de rechercher des revenus supplémentaires auprès d’entreprises telles que les hôtels, même s’ils ne sont pas liés par le droit exclusif de communiquer au public conformément à l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115. La décision en Télévision RTL maintient la cohérence de cette jurisprudence antérieure.
Dariusz Adamski est professeur de droit et directeur du Centre de droit économique européen et de gouvernance à la Faculté de droit, d’administration et d’économie de l’Université de Wrocław.